Affaire Tarnac : la justice ordonne l’audition de 18 policiers

C’est une victoire pour le « groupe de Tarnac », auquel appartiennent notamment Yildune Levy et Julien Coupat, soupçonnés d’être à l’origine de sabotages de lignes SNCF sur des caténaires, dans l’Oise, l’Yonne et la Seine-et-Marne. Le parquet général de Versailles a annoncé lundi que la justice avait ordonné le 26 octobre l’audition des policiers qui ont participé à la surveillance des deux suspects dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008.

 

Selon les avocats du groupe, les enquêteurs ont menti dans un procès-verbal sur une filature de Yildune Levy et Julien Coupat, cruciale pour les impliquer. En conséquence, parallèlement à l’instruction parisienne sur le sabotage, une information judiciaire a été ouverte à Nanterre pour faux et usage de faux en écriture publique.

 

 

Dans ce cadre, les juges de Nanterre s’étaient opposés à l’audition de dix-huit policiers ayant participé à la filature contestée, ainsi qu’à la saisie des ordinateurs des fonctionnaires. Saisie par les avocats du groupe, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles a accédé le 26 octobre à leur demande concernant les auditions des policiers. Mais elle s’est en revanche opposée à la saisie de leurs ordinateurs, a précisé la source judiciaire. L’un des avocats d’Yildune Levy, Me Jérémie Assous, a souligné que la cour d’appel de Versailles avait également fait droit à la demande de communication des numéros de téléphone des policiers.

 

« C’EST UN TOURNANT DANS LE DOSSIER »

 

« On va pouvoir comparer leurs numéros avec la borne-relais qui se trouve à cinq mètres de la ligne TGV. S’ils étaient présents la nuit des faits, ils auraient activé le relais de téléphone », s’est félicité Me Assous. « C’est un tournant dans ce dossier, c’est la première fois qu’une décision de justice ordonne un certain nombre d’actes pour que la vérité surgisse », a-t-il estimé, relevant le caractère « extrêmement rare » de l’audition des policiers de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Pour Me Assous, il s’agit d’un « retournement de situation, malgré l’inertie pour protéger la version policière » dans ce dossier qui repose, selon l’avocat, « uniquement sur ce procès-verbal » relatif à la filature.

 

Cette décision de justice intervient alors que l’accusation a été récemment fragilisée par le versement au dossier fin 2011 d’un relevé bancaire faisant état d’un retrait bancaire de 40 euros sur la carte d’Yildune Levy dans le quartier parisien de Pigalle, à 2 h 44 dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008. Or, selon la version des policiers, la jeune femme et son compagnon, Julien Coupat, se trouvaient au Trilport et à Dhuisy, en Seine-et-Marne, cette nuit-là.

 

Groupe de Tarnac : la justice ordonne l’audition de 18 policiers

Serait-ce «un retournement de situation», comme l’affirme un des avocats de Yildune Levy, une des membres du «groupe de Tarnac» ? La justice a ordonné le 26 octobre l’audition de 18 policiers qui avaient participé à la filature de membres de ce groupe dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008  afin de mettre en cause la jeune femme ainsi que son compagnon Julien Coupat dans le sabotage de la ligne TGV-Est à Dhuisy (Seine-et-Marne). Le parquet général de Versailles (Yvelines) l’a annoncé ce lundi.

 

Cette décision intervient alors que l’accusation a été récemment fragilisée par le versement au dossier fin 2011 d’un relevé bancaire faisant état d’un retrait bancaire de 40 euros sur la carte d’Yildune Levy dans le quartier parisien de Pigalle, à 02h44 dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008. Or, selon la version des policiers, la jeune femme et son compagnon se trouvaient en Seine-et-Marne cette nuit-là.

 

Une enquête ouverte pour faux et usage de faux en écriture publique

 

Selon les avocats de ce groupe (baptisé du nom d’un village corrézien où ils vivaient), les enquêteurs ont menti dans un procès-verbal sur une filature de Yildune Levy et Julien Coupat, cruciale pour les impliquer. En conséquence, parallèlement à l’instruction parisienne sur le sabotage, une information judiciaire a été ouverte à Nanterre pour faux et usage de faux en écriture publique.

 

Dans ce cadre, les juges de Nanterre (Hauts-de-Seine) s’étaient opposés à l’audition de dix-huit policiers ayant participé à la filature contestée, ainsi qu’à la saisie des ordinateurs des fonctionnaires. Mais, saisie par les avocats du groupe, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles a accédé le 26 octobre à leur demande concernant les auditions des policiers. Elle s’est en revanche opposée à la saisie de leurs ordinateurs.

 

Des agents de la DCRI

 

L’un des avocats d’Yildune Levy, Me Jérémie Assous, a souligné que la cour d’appel de Versailles avait également fait droit à la demande de communication des numéros de téléphone des policiers. «On va pouvoir comparer leurs numéros avec la borne-relais qui se trouve à cinq mètres de la ligne TGV. S’ils étaient présents la nuit des faits, ils auraient activé le relais de téléphone», s’est félicité Me Assous.

 

«C’est un tournant dans ce dossier, c’est la première fois qu’une décision de justice ordonne un certain nombre d’actes pour que la vérité surgisse», a-t-il estimé, relevant le caractère «extrêmement rare» de l’audition des policiers de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Selon l’agence Sipa, seuls 14 des agents travailleraient pour la DCRI. Les quatre autres seraient issus de la Sous-direction antiterroriste (SDAT) de la police nationale.

 

A l’époque des faits, la ministre de l’Intérieur d’alors, Michèle Alliot-Marie, avait indiqué que les membres du groupe de Tarnac appartenaient, selon ses services, à «l’ultra-gauche, mouvance anarcho-autonome».

 

Un mystérieux espion

Tarnac : quel rôle a vraiment joué le mystérieux espion anglais ?


Les dix personnes mises en examen dans l’affaire de Tarnac demandent à la justice de clarifier le rôle joué par un policier infiltré anglais, Mark Kennedy, dans la procédure engagée contre eux depuis 2008.

Les rencontres entre cet agent britannique et les jeunes de Tarnac, avant leur arrestation pour des sabotages SNCF, semblent avoir nourri l’accusation. Elles constituent l’une des énigmes de l’affaire.

L’avocat William Bourdon, qui défend Julien Coupat et ses co-inculpés, vient de déposer une demande d’acte sur le bureau de la juge d’instruction Jeanne Duye. Il l’invite à verser au dossier la totalité des notes de renseignement concernant ses clients. Selon le document que Rue89 a consulté :

 « Un certain nombre d’informations ou d’allégations présentes tout au long de la procédure émanent de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), du fait de renseignements fournis par un policier “infiltré” anglais, monsieur Mark Kennedy. […]

Il s’agit ici de démontrer que des éléments ont été délibérément dissimulés durant la procédure. »

« Un dossier à double fond »

La défense dénonce « un dossier à double fond », dans lequel le renseignement se serait substitué aux preuves judiciaires. Un argument déjà avancé par William Bourdon dans un autre dossier, celui des Français de Guantanamo. L’avocat parle de « recyclage » du renseignement dans la procédure judiciaire :

    « Il y a une dérive des services de renseignement qui privilégient une recherche “underground” de la preuve, et non sa manifestation loyale.

    L’utilisation de personnages comme Mark Kennedy est en soi une source de péril. Il ne peuvent qu’être dans la surenchère, et les services tendent une oreille complaisante à ces informations vues comme providentielles, même si elles peuvent être manipulées parce que produites hors de tout cadre judiciaire. »

William Bourdon « n’exclut pas l’audition de policiers de la DCRI ou de Mark Kennedy lui-même ». Le document, quant à lui, accuse le juge d’instruction en charge de l’affaire jusqu’en avril, Thierry Fragnoli, d’avoir caché des éléments utiles à ses clients.

 Infiltré pendant sept ans au sein de la gauche radicale anglaise et européenne, le policier Mark Kennedy, qui se faisait appeler Mark Stone, a été démasqué par ses « camarades » en janvier 2011.

Le quotidien anglais The Guardian a publié des dizaines d’articles sur ses activités en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Islande, en Irlande, etc. De nombreuses enquêtes disciplinaires et parlementaires ont été lancées.

Dans son pays d’origine, le débat s’est focalisé sur les relations intimes qu’il a entretenues avec des militantes (qui le prenaient pour un des leurs). Ailleurs en Europe, c’est son franchissement aisé des frontières, son rôle d’agent provocateur et les délits qu’il a commis un peu partout qui posent problème. En France, pour l’instant, les passages avérés de Mark Kennedy sur le territoire n’ont eu aucune traduction juridique ni impact politique.

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A plusieurs reprises dans le dossier de Tarnac, les policiers accusent les mis en examen, sans préciser l’origine de leurs informations. Elles émanent « des Renseignements généraux », « de la DCRI » ou d’un « renseignement anonyme ».

Les avocats estiment que ces informations constituent des violations des droits de la défense, puisqu’ils ne peuvent pas « en contester la source, l’origine et le contenu ».

Et selon eux, une grande partie de ces informations non-sourcées proviennent du policier infiltré anglais Mark Kennedy, que les mis en examen ont croisé à plusieurs reprises :

En février 2007 à Varsovie, en Pologne, lors d’une réunion de préparation du contre-sommet du G8; en janvier 2008 à New York, le policier a rencontré Julien Coupat et Yldune Lévy;  à l’été 2008, à Tarnac.

Le nom de Mark Kennedy n’apparaît nulle part dans le dossier, mais chacune de ces rencontres apparemment fortuites a trouvé un écho dans un rapport de la DCRI (rendu public par Mediapart). Il y est surtout question des voyages hors de France des jeunes de Tarnac et de leurs relations avec des activistes étrangers, sans allusion à d’éventuels délits. Les avocats écrivent :

 « On s’étonnera que la totalité des éléments et informations censés accabler les mis en examen figurant dans le rapport de la DCRI relèvent de l’international. […]

    Aucun élément ne figure donc sur l’activité politique des mis en cause sur le territoire français. Ces derniers ne s’en cachent pourtant pas, loin s’en faut, et ont pour la plupart eu une activité politique et publique fort prolixe dans les mouvements sociaux de ces dernières années. »


En creux dans la procédure

Plus étrange, les observations de Mark Kennedy auraient même abreuvé la procédure judiciaire dès le début : en avril 2008, quand les policiers de la Sous-direction antiterroriste (SDAT) demandent l’ouverture d’une enquête préliminaire sur Julien Coupat et Yldune Lévy, ils s’appuient sur leur voyage à New York, déjà mentionné dans le rapport de la DCRI, pour établir l’existence d’une « structure clandestine anarcho-autonome ».

Présent à New York, Mark Kennedy surveillait des activistes américains en contact avec les Français de Tarnac. Pour le compte de qui ? Le FBI ? L’Angleterre ? Ce n’est pas clair. Quand le juge d’instruction Thierry Fragnoli demande des précisions aux autorités américaines sur cette rencontre, celles-ci renvoient la balle aux services britanniques. Qui écrivent :

    « Les services de police du Royaume-Uni sont en mesure de déclarer que des informations sont disponibles attestant que Julien Coupat a assisté à une réunion à New York, USA, entre les 12 et 13 janvier 2008. […]

    La source de ces informations confidentielles ne sera jamais divulguée et aucun rapport formel ne sera communiqué. C’est sur cette base que ces informations confidentielles sont fournies au Ministère Public français. »

Le signataire de cette note au magistrat français est le chef de la National domestic extremism unit (NDEU), nouveau nom donné au service de police qui employait Mark Kennedy.

Le policier anglais, qui a voyagé dans 22 pays pour surveiller des activistes d’extrême gauche, a aussi donné des informations à des agents des Renseignements généraux et de la DST, selon plusieurs témoignages.


 « X-UK »

Dans son livre « Tarnac, magasin général », paru en avril, le journaliste David Dufresne s’interroge sur le rôle de Mark Kennedy, qu’il appelle « X-UK ».

    « Au fil du temps, mes calepins s’étaient noircis d’un X-UK, au gré des détails, tous invérifiables et tous disparates – en apparence –, que m’avaient distillés les enquêteurs. X-UK, ça voulait dire “source anglaise inconnue”. Souvent y était accolée une date, tout aussi mystérieuse : 2012. Ce X-UK était la quintessence de ce qu’on appelle le renseignement. Rien n’est plus volatil que le renseignement. […]

    Ses informations sur les déplacements à l’étranger de tel ou tel habitant du Goutailloux [la ferme de Tarnac] étaient l’un des socles des certitudes des policiers français – et leur talon d’Achille. Les prétendues ramifications internationales du “groupe Coupat”, c’était X-UK pour une bonne part. […]

    Les avocats se tenaient prêts : si le rôle de Kennedy était aussi prépondérant que ce que les on-dit prétendaient, c’était toute la légalité de la procédure qui pouvait voler en éclat. L’infiltré partage avec le repenti cette même faiblesse : si la police peut recueillir toutes les infos qu’elle souhaite, elle ne peut pas les produire toutes en justice. La “judiciarisation” du renseignement a ses limites. »

Les prémonitions du journaliste se sont révélées exactes, la défense s’appuyant désormais sur ce facteur britannique pour enfoncer un coin supplémentaire dans l’enquête, déjà mise à mal depuis quatre ans.

Une séquence favorable à la défense

Après avoir contesté le procès-verbal de filature de Julien Coupat tout au long de l’instruction et déposé trois plaintes contre la police fin 2011 (pour faux et usage de faux, subornation de témoins et écoutes illégales), les avocats des mis en examen ouvrent un nouveau front avec cette dernière demande d’actes.

« Le contexte est aujourd’hui plus serein, les interlocuteurs ne sont plus les mêmes », commente William Bourdon :

    « Il est temps que cette arborescence de manœuvres déloyales, articulées les unes aux autres, soit prise pour ce qu’elle est : un gigantesque stratagème contre nos clients, le contournement de l’action judiciaire au nom de la lutte contre le terrorisme. »

La demande d’acte intervient dans une séquence déjà favorable à la défense. Fin octobre, un relevé bancaire d’Yldune Levy montre un retrait de 40 euros effectué avec sa carte bleue dans un distributeur automatique de billets à Paris, la nuit des sabotages. Alors que la jeune femme, selon les policiers, se trouvait en Seine-et-Marne.

Quelques jours plus tard, la chambre de l’instruction de Versailles ordonne l’audition des dix-huit policiers qui ont participé à la filature. Ils devront justifier de leur présence sur les lieux dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008.

En provenance de Londres

Mark Kennedy, who used the alias Mark Stone, met French campaigners at least twice. Photograph: Philipp Ebeling

The former British police spy Mark Kennedy is being accused of making fake claims after leaked documents indicated he was the source behind claims that French activists were learning to make homemade bombs.

Ten French leftwing activists are under investigation over an alleged terror plot to overthrow the state in a case that has convulsed France and drawn criticism from human rights lawyers.

Leaked documents seen by the Guardian reveal how claims against some of the activists, including the suggestion they discussed and « practised » building improvised explosive devices (IED)s, came from the British police unit Kennedy worked for.

The French authorities are not pursuing charges on this element of the inquiry. Instead, the activists are under formal investigation for allegedly sabotaging high-speed train lines with metal hooks, after damage to lines in November 2008 caused delays for thousands but no casualties. Accused of targeting the SNCF railway as the ultimate symbol of the French state, they deny all charges against them.

Kennedy, a police spy who used the alias Mark Stone during the seven years he was undercover, met French campaigners at least twice; once in the south of France and again in New York.

He is a discredited figure in the UK, where he has admitted to having sexual relationships with female activists.

His bungled operations led to the quashing of 20 convictions against activists and there are more potential miscarriages currently under review. Senior judges said he had arguably been acting as an agent provocateur.

Kennedy’s role in the inquiry into the French anti-capitalists could jeopardise what is the most high-profile legal case on leftist activism in recent years. It is known as the « Tarnac affair » after more than a hundred French police in balaclavas swooped on the tiny rural village of Tarnac in November 2008, arresting anti-capitalists who were living on a communal farm and running a village shop. In a vast media operation, Nicolas Sarkozy’s government and French authorities alleged they were a cell of dangerous subversives intent on anarchist armed insurrection to overthrow the state.

Those arrested included a Swiss sitcom actor, a distinguished clarinettist and an Edinburgh University graduate. French authorities accused a business and sociology graduate named Julien Coupat of being the group’s « ringleader » and ideologue, saying he had written a key text, The Coming Insurrection. At the time socialists and human rights groups criticised the handling of the case and accused the government of exaggerating notions of a leftist « enemy within » for political gain.

It has now emerged that British police chiefs have been assisting French prosecutors building a case against the campaigners.

Responding to a request from French authorities for help with the case, Detective Chief Inspector Richard May wrote « United Kingdom law enforcement units are able to confirm that information is available » that Coupat was at a meeting in Nancy, a city in north-east France, in February 2008.

May, stationed in Scotland Yard’s national domestic extremism unit, which was Kennedy’s employer, added: « Later that same day the meeting moved to a location in a village called Moussey, France. During these meetings, the making of improvised explosive devices was both discussed and practised. » Two other activists were named as being present at the meetings.

A month earlier, Kennedy met some activists at a meeting of international anarchists in New York.

May’s letter added: « United Kingdom law enforcement units are able to state that information is available that Julien Coupat was present at a meeting in New York, USA, between 12 and 13 January 2008. »

May also told the French prosecutors that the « source of this intelligence will never be revealed and no formal statements will be provided ».

Lawyers for the Tarnac activists rejected the claims made in the British police document. They believe the New York claim was central to French police opening a preliminary inquiry into the Tarnac group in early 2008 which they said was based on « extremely weak and inconsistent » information.

Kennedy has himself previously claimed that in 2008 he witnessed French activists practising making explosives. He has also admitted to providing intelligence about the New York meeting, which he dismissed as « a bit pointless ».

The spy did, however, add that he provided intelligence that resulted in the FBI following a French activist suspected of advocating armed revolution, now believed to be Coupat.

Others present at the meeting were a Japanese activist, another French campaigner and some Americans.

One attendee of the New York meeting told the Guardian the group had general discussions about how to mobilise radical political action in the US.

They discussed how there was a lack of social spaces to organise political action and how best to handle the media, debates which were common in the months leading up to the Occupy movement.

« There was absolutely no discussion about armed revolution or anything remotely like that, » the activist said.

Kennedy left the police in March 2010 before a disastrous attempt to return to his undercover life using his fake identity ended in activists unmasking him. He is now working for the Densus Group, a US private security firm advising corporations on how to deal with the « threat » of political activism.

The allegation that Kennedy had made manipulative claims has been made by William Bourdon, the lawyer representing the French activists. This week he wrote to the investigating judge in charge of the case demanding clarification of Kennedy’s role. He wants access to all intelligence reports which he said had deliberately been hidden from the defence.

« The use of an individual like Mark Kennedy is an extremely serious problem for the state of law, and dangerous for democracy, » Bourdon said.

« What is serious is that agents like Mark Kennedy can be used to a perverse effect, they can be put in a position which results in exaggeration and dramatisation, feeding the complicitous ears of authorities who need that dramatisation to justify a case. »

Kennedy is known to have used his fake passport to travel abroad more than 40 times. Mostly, he was requested by foreign police forces who asked for assistance monitoring campaigners in their country.

In total, he visited 11 countries while working undercover and claims to have received a commendation from the FBI for his work in New York.

But his activities are the subject of ongoing scrutiny in many of the countries he visited, including Ireland, Iceland and Denmark.

There are particular concerns about his deployments in Germany, where he was twice arrested, once for committing an arson attack.

London’s Metropolitan police, which is responsible for both Kennedy and May, said in statement that it would not comment on « specific deployments » but had pledged to reform its approach to undercover policing following the conclusions of an inquiry.

Kennedy could not be contacted for a comment.

Rencontre avec…

« Pour nous, il n’y a plus d’affaire Tarnac. Nous avons l’impression d’avoir fait justice de l’ensemble des allégations policières. » Quatre ans après l’interpellation, au petit matin du 11 novembre 2008, de 15 membres du groupe de Tarnac, Julien Coupat, mis en examen pour « direction d’une structure à vocation terroriste », juge avoir fait la preuve d’une « construction policière ». Les dix mis en examen de l’affaire de Tarnac sont poursuivis pour quatre sabotages commis sur des lignes TGV à l’automne 2008, dont la pose d’un fer à béton sur des caténaires à Dhuisy, en Seine-et-Marne, dans la nuit du 7 au 8 novembre.

 

Lors d’une rencontre improvisée ce 12 novembre 2012 dans l’appartement parisien d’une amie (qui fut elle-même arrêtée), Julien Coupat et Mathieu Burnel, l’un des neuf autres mis en examen pour « association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme », ont livré leur version de l’affaire.

 

Si Julien Coupat, qui a refusé tout entretien depuis sa sortie de prison en mai 2009, rencontre aujourd’hui neuf journalistes de presse écrite et de radio, c’est pour « dissoudre le fantasme politique », « la figure de l’ombre construite par les policiers », expliquent les deux jeunes hommes. Pour faire le point aussi sur les révélations savamment distillées dans les médias ces dernières semaines.

 

Il y a d’abord eu la publication par Le Canard enchaîné le 24 octobre d’un retrait bancaire fait avec la carte bleue d’Yldune Lévy le 8 novembre 2008 à 2h44, à Pigalle, en plein Paris. Mettant ainsi en doute le procès-verbal des policiers de la sous-direction antiterroriste affirmant avoir observé cette nuit là, à 4h05 du matin, la voiture de Julien Coupat et d’Yldune Lévy, arrêtée à proximité de la ligne TGV Est (à 75 kilomètres de Paris).

 

Puis un arrêt de la cour d’appel de Versailles a ordonné le 26 octobre 2012 l’audition de l’ensemble des policiers de la Sous-direction antiterroriste (Sdat) et de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) qui ont participé à la surveillance de Julien Coupat et d’Yldune Lévy lors de cette fameuse nuit. Enfin, c’est l’origine même de l’enquête qui se trouve ébranlée par l’implication d’un policier anglais infiltré, Mark Kennedy, qui aurait rencardé la DCRI sur les activités du groupe de Tarnac.

 

Détail par détail, kilométrage par kilométrage, horaire par horaire, les deux mis en examen contestent quatre années d’instruction, menées par le juge antiterroriste Thierry Fragnoli (qui a été dessaisi, officiellement à sa demande, en avril 2012). « Nous nous sommes d’abord défendus politiquement, explique Mathieu Burnel. Ce n’est qu’après un an que nous avons commencé à nous intéresser au PV de filature. »

 

Le rôle de Mark Kennedy policier infiltré

 

« Ça commence d’emblée comme un mauvais film », prévient Julien Coupat. Pour les deux mis en examen, « le point de départ supposé de l’affaire de Tarnac, ce sont les surveillances de l’espion anglais Kennedy ». Le 6 novembre 2012, comme l’a révélé Rue89, Me William Bourdon, avocat de Yildune Lévy, a demandé à la nouvelle juge d’instruction chargée du dossier, Jeanne Duyé, la communication du dossier de renseignement de sa cliente.

 

Selon l’avocat, certaines allégations présentes dans le dossier Tarnac ne peuvent émaner que de renseignements fournis à la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) par Mark Kennedy. Ce policier, du National public order intelligence unit (NPOUI), infiltré pendant de longues années dans les mouvements alternatifs européens avant d’être démasqué en 2010, a croisé à plusieurs reprises la route du groupe de Tarnac. « La première fois que nous l’avons croisé, c’était en janvier 2007 à Varsovie lors de la préparation d’un contre-sommet du G8, explique Mathieu Burnel. La délégation anglaise comptait d’ailleurs deux infiltrés. »

 

Un an plus tard, en janvier 2008, Julien Coupat et Yldune Lévy, en vacances à New York, le rencontrent à leur tour, avec plusieurs amis étrangers, dans ce qui sera décrit comme « une réunion d’anarchistes américains » par la sous-direction antiterroriste française. C’est principalement sur la base de cette réunion, et du passage clandestin de la frontière entre les États-Unis et le Canada par Yldune Lévy et Julien Coupat, que la Sdat demandera, le 11 avril 2008, l’ouverture d’une enquête préliminaire visant la « structure clandestine anarcho-autonome » à laquelle appartiendrait le couple. « Ce n’était pas un hasard s’il (Mark Kennedy) était présent, il était averti que nous allions à New York », affirme Julien Coupat.

 

Sollicitées par les juges français, les autorités judiciaires britanniques ont confirmé être « en mesure de déclarer que Julien Coupat avait assisté à une réunion à New York, USA, les 12 et 13 janvier 2008 ». Mais le patron du National domestic extremism unit, l’unité qui a succédé à celle dont dépendait Mark Kennedy, a formellement refusé d’expliciter l’origine de ces renseignements. « La source de ces informations confidentielles ne sera jamais divulguée et aucun rapport formel ne sera communiqué, a-t-il répondu aux juges d’instruction français. C’est sur cette base que ces informations confidentielles sont fournies au ministère public français. »

 

Les mis en examen protestent contre la méthode. « Il y a un double fond DCRI dans tout le dossier, dit Mathieu Burnel. C’est une déloyauté face à la preuve, car nous ne sommes pas en mesure de contester les éléments. »

 

Les mis en examen voient également la patte de Kennedy dans une note de la DCRI de juin 2008, publiée en mars 2012 par Mediapart. Cette dernière détaille « la constitution d’un réseau transnational subversif » dont le « premier cercle » serait « constitué de Julien Coupat, Yldune Lévy, Benjamin Rosoux, Mathieu Burnel, et Gabrielle Hallez ». « Le soi-disant premier cercle du soi-disant groupe de Tarnac, en fait ce ne sont que des gens qui ont croisé Stone (le nom d’emprunt de Kennedy) », remarque Julien Coupat.

 

    Les écoutes façon barbouze de l’épicerie de Tarnac

 

En mars 2008, plus de huit mois avant les sabotages des lignes de TGV, un agent de France Télécom avait découvert et débranché un dispositif d’écoutes des lignes téléphoniques de l’épicerie de Tarnac, reprise quelques mois plus tôt par les militants. Une dizaine de jours plus tard, la sous-direction antiterroriste sollicitait, le 11 avril 2008, l’ouverture d’une enquête préliminaire visant le groupe de Tarnac.

 

Mathieu Burnel explique cette soudaine demande par « la nécessité de couvrir les écoutes (que nous avions) découvertes et de leur donner un cadre judiciaire ». Le 3 janvier 2012, à la suite d’une plainte de Benjamin Rosoux, l’épicier de Tarnac, pour « interception de correspondances » et « atteinte à l’intimité de la vie privée », une information judiciaire a été ouverte à Brive-la-Gaillarde. Il s’agit notamment de savoir si la Commission nationale du contrôle des interceptions de sécurité avait été saisie d’une demande d’autorisation pour des écoutes administratives à Tarnac. Dans le cas contraire, le « branchement » effectué à Tarnac risque fort d’avoir été illégal.

 

La filature la nuit du 7 au 8 novembre 2008

 

Les mis en examen et leurs avocats ont soulevé à de multiples reprises les incohérences du récit fait par les policiers de la sous-direction antiterroriste de la filature d’Yldune Lévy et Julien Coupat dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008. Le relevé bancaire, récemment publié par Le Canard enchaîné, montre que la carte bleue d’Yldune Lévy a été utilisée cette nuit-là à Pigalle à 2h44, au moment où les policiers affirment eux que le véhicule du couple était stationné à Trilport (Seine-et-Marne) à une soixantaine de kilomètres de Paris. Toujours selon les policiers, le couple n’aurait repris la direction de Paris qu’à 4h20, après s’être arrêté quinze minutes près du lieu de sabotage de la voie LGV, à Dhuisy.

 

Pourquoi ne pas avoir fait état de ce retrait bancaire salvateur plus tôt ? « La différence entre les gens qui vivent et les policiers, c’est que notamment après avoir dormi dans une voiture, vous ne regardez pas l’horloge, avance Julien Coupat. Ce sont eux (les policiers) qui établissent et maîtrisent la chronologie. » Le jeune homme confirme qu’Yldune Lévy a bien effectué ce retrait, mais qu’elle réserve ses déclarations à ce sujet pour la juge.

 

Questionné le 13 février 2009 par le juge d’instruction sur un arrêt dans la nuit du 7 novembre en bordure de voie ferrée près de la RD 23, Julien Coupat, alors en détention provisoire, avait finalement répondu : « Oui, ça doit être cela. » Réinterrogé par l’un des autres juges d’instruction, le jeune homme avait ensuite souligné l’ironie de sa réponse. « Comme si, une fois en détention, on connaissait le nom des départementales», s’exclame Julien Coupat face aux journalistes.

 

« Nous leur avons dit clairement que nous n’étions pas là au moment des sabotages, assure Julien Coupat. Nous sommes sous surveillance pesante à Paris, nous partons pour un week-end ensemble en amoureux. À un moment, on sait qu’on est suivis, on se casse dans les petites routes de campagne. Nous sommes face à un dispositif de surveillance assez lourd (une vingtaine de policiers de la Sdat et de la DCRI) et nous jouons au chat et à la souris pendant une ou deux heures. Nous avons faim, nous retournons à Trilport. Nous allons au resto. Nous demandons un endroit où dormir. Le routier est complet. Nous avions des duvets, nous allons dormir là, car tout ça est assez éprouvant. Nous sommes réveillés par le froid, sans savoir le temps que nous avons dormi. Nous allons dans un coin de campagne, une zone que nous ne connaissons pas, donc nous ne pouvons pas dire si c’était la RD23 ou autre, nous faisons l’amour, puis nous rentrons à Paris. »

 

Curieusement, le relevé bancaire d’Yldune n’a été versé au dossier qu’en 2012. Alors, que selon Me Jérémie Assous, l’un des avocats du groupe de Tarnac, « les policiers avaient demandé les relevés bancaires de l’ensemble des 15 personnes arrêtées dès leur garde à vue, en novembre 2008, et (qu’)ils ont tous été versés immédiatement au dossier, sauf celui d’Yldune Lévy ». Ce dernier sera redemandé à BNP Paribas en 2010, et analysé en juillet 2011 par Bruno Mancheron, l’officier de la sous-direction antiterroriste auteur du PV de filature contesté.

 

Ce dernier, ainsi que le chef de groupe de la Sdat, Arnaud Lambert, a été placé sous statut de témoin assisté (entre le témoin et le mis en examen) dans l’information judiciaire ouverte en novembre 2011 à Nanterre pour « faux et usages de faux en écritures publiques », un crime passible des assises. Les deux officiers ont reconnu que le PV de filature n’était qu’un « procès-verbal de synthèse ».

 

« Ce procès-verbal retranscrit donc pour partie des éléments dont j’ai été personnellement témoin, mais aussi des éléments d’observation dont il m’a été rendu compte par les effectifs présents sur place », a expliqué le signataire du PV, Bruno Mancheron, lors de son audition par la juge d’instruction Nathalie Turquey, le 28 février 2012. « C’est un usage de la Sdat », a confirmé son chef Arnaud Lambert, entendu le 4 avril 2012. Une différence de taille pour Me Jérémie Assous : « Un procès-verbal de synthèse n’a pas la même valeur juridique qu’un PV de constat, c’est l’équivalent d’un simple PV de renseignement. »

 

Au passage, Bruno Mancheron indique lors de son audition qu’il était « au volant du véhicule » cette nuit, ce qui expliquerait peut-être sa prise de notes hasardeuse.

 

Le 26 octobre 2012, alors que la juge d’instruction comme les policiers avaient jusqu’alors refusé l’audition des autres policiers présents, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles a ordonné que « l’ensemble des fonctionnaires de police ayant participé à la surveillance des 7/8 novembre 2008 » soient entendus. La cour d’appel de Versailles a également demandé la vérification de leur présence sur place « par l’examen du trafic téléphonique intervenu dans la zone de surveillance ».

 

Jusqu’ici les policiers de la Sdat s’étaient contentés de fournir au juge Fragnoli un petit tableau, réalisé par Bruno Mancheron à partir des réquisitions envoyées aux opérateurs téléphoniques en novembre 2008 par les gendarmes locaux. Il montre que deux appels ont été passés par « le chef de groupe opérationnel et son chef de service » aux abords de la ligne TGV Est à Dhuisy à 5h23 puis 5h25.

 

Mais ce document « maison » ne porte que sur les appels émis entre 5h10 et 6 heures passant par les bornes proches du lieu de sabotage, pas sur la période entre 4 heures 05 et 4 heures 20 où les policiers affirment avoir vu la voiture de Julien Coupat s’arrêter près des voies. Et tous les autres numéros avaient été biffés, rendant l’identification des autres appels passés par des policiers impossible.

 

La juge d’instruction avait rejeté cette demande des avocats de Julien Coupat, prétextant que les données techniques de trafic étaient obligatoirement effacées par les opérateurs téléphoniques dans un délai d’un an. Un obstacle écarté par la cour d’appel qui rappelle dans son arrêt du 26 octobre 2012 que « des réquisitions à Orange, SFR et Bouygues avaient été faites au début des investigations » et « qu’il suffisait de retrouver et d’exploiter le résultat de ces réquisitions », ce qui n’avait étrangement pas été fait jusqu’alors.

 

Selon Me Jérémie Assous, les données d’un seul opérateur (SFR) auraient été versées au dossier par les gendarmes, ensuite dessaisis. « Nous avons réussi à identifier certains numéros de policiers et aucun ne passe de coups de fil à Dhuisy entre 4 heures et 4 heures 20, affirme-t-il. Si c’est également le cas pour les deux autres opérateurs, rien ne prouve donc la présence des policiers et le fait qu’ils aient pu observer le véhicule de Coupat près des voies. »

 

Mais comme l’explique Bruno Mancheron lors de son audition de février 2012, les policiers communiquaient « très majoritairement par radio et très anecdotiquement par téléphone ». Ils ont donc pu être présents près de la voie ferrée sans passer de coups de fil. « L’exploitation ne sera vraiment pertinente qu’à partir du moment où la téléphonie des policiers sera connue », tempère Me Louis Marie de Roux, l’un des avocats du groupe de Tarnac.

 

« La Sdat nous a vus 5 heures avant l’opération à 30 kilomètres du lieu de sabotage (le PV de filature constate l’arrêt prolongé de la voiture de Coupat à Trilport à 23 heures 40, puis ne fait plus aucune mention avant 3 heures 50 où la voiture aurait redémarré en direction des voies ferrées) et ils ont fait un procès-verbal de raccord après », interprète de son côté Julien Coupat. Il souligne que « (leur) version n’a jamais changé tandis que les flics en ont changé trois fois ».

 

« Fragnoli (le précédent juge d’instruction) était clairement prêt à tout pour couvrir la Sdat », regrette Mathieu Burnel, évoquant sa « mauvaise foi » lors de la reconstitution de janvier 2011.

 

Pour un de leurs avocats, Me Jérémie Assous, ces réticences des magistrats sont logiques. « La mise hors de cause des dix de Tarnac aboutit inéluctablement à la mise en cause des policiers, voilà pourquoi tant de magistrats se sont systématiquement opposés à nos demandes d’actes », estime-t-il.

 

 

Le témoin sous X

 

Entendu sous X le 14 novembre 2008, un jeune agriculteur, Jean-Hugues Bourgeois, ensuite identifié par TF1, avait accusé le groupe de Tarnac d’avoir eu un projet de « renversement de l’État » et de faire « peu de cas de la vie humaine ». Selon lui, Julien Coupat, décrit comme un « gourou de secte », avait même envisagé « d’avoir à tuer ».

 

Mathieu Burnel souligne que ce témoignage est « le seul élément du dossier qui justifie l’inculpation de direction de malfaiteur ». « C’est la seule personne qui dit que Julien Coupat est le chef et qu’il est très méchant. »

 

Réentendu le 11 décembre 2008 par des policiers de la Sdat, sous son vrai nom, Jean-Hugues Bourgeois avait assuré n’avoir « jamais » été informé par les militants de Tarnac de « projets violents visant l’État ». Il évoquait au contraire « un idéal libertaire qui n’a rien de répréhensible ».

 

Interviewé en caméra cachée un an plus tard par un journaliste de TF1, l’agriculteur avait admis avoir fait l’objet de pressions des policiers de la Sdat lors de la première audition qui aurait duré neuf heures. Les policiers lui auraient expliqué qu’ils avaient juste « besoin d’une signature » pour pouvoir exploiter « tout un tas d’infos, d’interceptions de mails » qui n’étaient « pas exploitables dans une procédure judiciaire ».

 

Face à ces contradictions évidentes, en février 2011, les mis en examen de Tarnac avaient déposé plainte pour subornation de témoin au tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand. Selon Me Louis Marie de Roux, l’un des avocats du groupe de Tarnac, la plainte a été classée en juillet 2012 par le procureur de Clermont-Ferrand après une enquête expéditive.

 

Seul Jean-Hugues Bourgeois a été entendu, sans même que le procureur demande la communication de ses deux auditions par la Sdat. « Un même service de police qui interroge deux fois le même témoin, dont une fois sous X, et obtient des réponses opposées, c’est qu’il a soufflé les réponses au moins une fois », estime Me Louis Marie de Roux. Me Lévy et lui entendent déposer une nouvelle plainte avec constitution de partie civile dans les prochains jours.

 

    La piste oubliée du tract allemand

 

Dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008, quatre fers à béton sont posés sur les caténaires de lignes de TGV françaises (TGV-Nord, TGV-Est et TGV-Sud), causant le lendemain une grande pagaille ferroviaire. Mais, notent les deux mis en examen, les juges d’instruction « n’ont mené aucune investigation sur les autres sabotages », la preuve pour eux que « les sabotages n’étaient qu’un prétexte, leur but était de nous serrer ». La même nuit, des sabotages sont également commis sur des voies ferrées allemandes.

 

Le 10 novembre 2008, un groupe anonyme revendique neuf sabotages sur les lignes TGV et le réseau ferré allemand « en souvenir de Sebastian », un militant antinucléaire écrasé en Lorraine en novembre 2004 par un train Castor. Leur communiqué, envoyé à deux quotidiens allemands, a été versé au dossier. Puis apparemment oublié. « Depuis le 10 novembre 2008, les policiers ont une revendication allemande où les auteurs précisent le lieu et l’endroit des sabotages, qu’ils n’ont même pas été chercher au Berliner Zeitung », s’étonnent les deux mis en examen.

 

Le préterrorisme

 

Pour Julien Coupat, « l’affaire de Tarnac n’est pas une exception, c’est la norme des enquêtes antiterroristes ». « Généralement, les juges font face à des gens que personne ne soutient (…) mais là ils font face à des gens qui se sont défendus comme des chiens, qui ont la capacité d’analyser le dossier », explique l’ancien doctorant à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS).

 

« L’une des généalogies de Tarnac, c’est cette nouvelle doctrine de prévention du terrorisme impulsée par le Royaume-Uni, poursuit-il. Mark Kennedy correspond à l’idée que l’intensification du renseignement humain et technique permet d’arrêter les gens avant qu’ils ne commettent des crimes. »

 

Malgré l’arrivée au pouvoir de la gauche, Julien Coupat ne croit pas à un revirement idéologique. « Les déclarations de Manuel Valls, le 5 novembre au sommet d’Interpol, réclamant une intensification de la coopération, des échanges d’information, etc. : c’est la doctrine Bauer (ancien conseiller officieux de Nicolas Sarkozy et ami de l’actuel ministre de l’intérieur), estime-t-il. Ils n’ont pas renoncé à cette construction-là. »

 

Affirmant être toujours sous surveillance, les deux mis en examen disent leur lassitude. Ils énumèrent : « À chaque fois que vous prenez le téléphone, savoir que tout pourra être retenu contre vous, même les blagues ; être filé par la Sdat ; savoir que chaque fois que vous allez voir des amis qui font des trucs politiques, vous leur amenez la Sdat, etc. »

 

« Au niveau juridique et judiciaire, nous avons fini de jouer, déclare Mathieu Burnel. Ça nous prend un temps fou, nous avons d’autres choses à faire dans notre vie. »

 

Auteur : Louise Fessard

“Le secret le mieux gardé de l’affaire de Tarnac”

C’est en février 2011 que parut la première brève sur le sujet : « Ce fut longtemps le secret le mieux gardé de l' »affaire de Tarnac » : un agent britannique, infiltré au coeur des mouvements altermondialistes et environnementalistes européens, a joué un rôle important dans cette enquête » (L’Express). La nouvelle est longtemps restée sans suite, orpheline. Les scandales ne s’importent pas comme n’importe quelle autre marchandise.

 

Leur naissance doit trop à la conformation morale du pays où ils éclatent. « L’affaire Mark Kennedy », en Angleterre, a nourri les tabloïds et les émissions à sensation pendant des mois. Elle a conduit à la dissolution de l’unité « d’élite » des services secrets pour laquelle il travaillait, au déclenchement d’une kyrielle d’enquêtes sur les méthodes d’infiltration de la police anglaise, à la démission d’un procureur, au non-lieu de toutes les procédures impliquant de près ou de loin Mark Kennedy, et même à l’annulation de jugements déjà rendus.

 

Mais le fond du scandale était éthique : il tenait à l’incompatibilité du stupre et du lucre avec l’ethos puritain anglais. Peut-on, dans le cadre de son travail d’officier de renseignement, coucher avec des dizaines de charmantes jeunes anarchistes ? Est-il permis de dépenser plus de 2 millions d’euros, sept ans durant, pour financer les soirées techno, les beuveries, les vacances, les montres-espions à 7 000 euros d’un James Bond piercé et tatoué de l’anarchie, et tout ça pour un peu d’information sur les activités des écologistes radicaux, des antifascistes, des militants antiglobalisation ? La sensibilité nationale répondait sans hésitation « non » à ces questions superflues. D’où l’ampleur et la durée du scandale. En Allemagne, où l’on est, semble-t-il, d’abord soucieux des procédures et du sol national, l’affaire Mark Kennedy porta plutôt sur la légalité ou non de l’usage d’un agent étranger sur le territoire allemand.

 

On peut dresser de l’affaire de Tarnac plusieurs généalogies également scandaleuses, et presque également barbouzardes, mais la plus significative politiquement est celle qui part de Mark Kennedy : car c’est elle qui en dit le plus long sur les arcanes de notre temps. Mark Kennedy travaillait officiellement pour la National Public Order Intelligence Unit, un service de renseignement britannique créé en 1999 afin de combattre le retour de la contestation écologiste et antiglobalisation au Royaume-Uni.

 

Le déploiement massif d’agents infiltrés dans ces mouvements traduit « sur le terrain » le lancement d’une nouvelle doctrine policière qui se nomme en anglais « intelligence-led policing » et en français, sous licence d’importation déposée par Alain Bauer et Xavier Raufer, le « décèlement précoce ». C’est dans les années 2000 que le Royaume-Uni s’attache, au travers de sa présidence de l’Union européenne, à la diffuser et à la faire adopter par ses partenaires européens ; ce en quoi les autorités britanniques ont réussi, comme elles s’en flattent publiquement : car, avec la doctrine, c’est un ensemble de services, de techniques et d’informations qui pourront être échangés et vendus aux partenaires en question.

 

Des « informations » sorties de l’imagination fertile de Mark Kennedy, par exemple. La nouvelle doctrine dit ceci : l’engagement politique, dès qu’il dépasse le cadre inoffensif de la manifestation ou de l’interpellation des « dirigeants », sort du cadre démocratique pour entrer dans le domaine criminel, dans le « préterrorisme ». Ceux qui sont susceptibles de sortir de ce cadre sont repérables à l’avance. Plutôt que d’attendre qu’ils commettent un crime, comme occuper une centrale à charbon ou bloquer un sommet européen ou un G8, il suffit de les arrêter dès qu’ils en forment le projet, quitte à susciter soi-même le projet.

 

Les techniques de surveillance humaine comme l’électronique à disposition doivent être suffisamment étendues, sophistiquées et partagées. Et comme ces techniques « préventives » ne sont elles-mêmes guère compatibles avec l’ordre réputé démocratique, il faut s’organiser en marge de celui-ci. C’est d’ailleurs en toute franchise ce que répondit le chef du BKA allemand (équivalent local de la direction centrale du renseignement intérieur, DCRI) lorsqu’une commission d’enquête parlementaire s’avisa de l’interroger sur l’affaire Kennedy : « Contre les euro-anarchistes, contre ceux qui s’organisent conspirativement et internationalement, nous devons nous organiser tout aussi conspirativement et tout aussi internationalement. » « Il faut agir en partisan partout où il y a des partisans », disait Napoléon dans une formule que Carl Schmitt se plaisait tant à citer.

 

Il ne fait aucun doute que le début des ennuis pour les gens de Tarnac vient d’informations, fabriquées pour certaines, volontairement gonflées pour d’autres, émanant de Mark Kennedy : il fallait bien qu’il justifie son salaire, et ses employeurs, leurs crédits. Des réseaux franco-britanniques de l’ombre auront assuré leur transmission discrète à la DCRI, qui s’est trouvée ainsi piégée, elle, bien plus que ceux de Tarnac. Telle est donc la véritable signification, et le véritable skandalon, de l’affaire de Tarnac. Ce qui se cache sous l’apparence d’un fiasco judiciaire français, c’est la constitution d’une conspiration policière mondiale revendiquée dont Mark Kennedy, officiellement actif dans onze pays, de l’Europe aux Etats-Unis en passant par l’Islande, n’est à ce jour que le plus fameux pion.

 

Comme toujours, la prose policière ne contient de vérité qu’à condition de l’inverser terme à terme : lorsque la police dit : « Les euro-anarchistes sont en train de tisser un réseau pré-terroriste européen pour attaquer les institutions », il faut évidemment lire : « Nous, policiers, sommes en train de doubler les institutions par une vaste organisation européenne informelle afin d’attaquer les mouvements qui nous échappent. » Le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, a déclaré à Rome que, face aux « processus de radicalisation dans de nombreux pays », il importait d’accentuer la coopération au sein d’Interpol contre les « formes de violence provenant de l’ultra-gauche, de mouvements anarchistes ou d’autonomes ».

 

Or ce qui se passe en ce moment en Europe, en Espagne, au Portugal, en Grèce, en Italie, au Royaume-Uni, ce n’est pas que surgissent ex nihilo des groupes radicaux venus menacer la quiétude de la « population », mais que les peuples eux-mêmes se radicalisent devant l’évident scandale qu’est l’ordre présent des choses. Le seul tort de ceux qui, comme les gens de Tarnac, sont issus du mouvement antiglobalisation et de la lutte contre la dévastation du monde, c’est d’avoir formé un signe avant-coureur d’une prise de conscience désormais générale.

 

Au train où vont les choses, il se pourrait bien qu’un jour le refus de l’identification biométrique, aux frontières comme dans la vie, devienne une pratique diffuse. Ce qui constitue la plus lourde menace sur la vie des gens, ce ne sont pas de chimériques « groupes terroristes », mais l’organisation effective de la souveraineté policière à l’échelle mondiale, et ses coups tordus. L’Histoire nous rappelle que les intrigues de l’Okhrana, la police secrète russe, n’ont guère porté bonheur au régime tsariste. « Il n’est pas de force au monde qui puisse endiguer le flot révolutionnaire quand il monte, et toutes les polices du monde, quels que soient leur machiavélisme, leurs sciences et leurs crimes, sont à peu près impuissantes », notait l’écrivain Victor Serge. Il délivrait aussi ce conseil dans Ce que tout révolutionnaire doit savoir sur la répression, 1926 : « Si l’accusation se base sur un faux, ne pas s’en indigner : la laisser plutôt s’enferrer avant de la réduire à néant. »

 

Giorgio Agamben, philosophe et Yildune Lévy, mise en examen dans l’affaire de Tarnac