Rencontre avec…

13 novembre 2012
Mediapart

« Pour nous, il n’y a plus d’affaire Tarnac. Nous avons l’impression d’avoir fait justice de l’ensemble des allégations policières. » Quatre ans après l’interpellation, au petit matin du 11 novembre 2008, de 15 membres du groupe de Tarnac, Julien Coupat, mis en examen pour « direction d’une structure à vocation terroriste », juge avoir fait la preuve d’une « construction policière ». Les dix mis en examen de l’affaire de Tarnac sont poursuivis pour quatre sabotages commis sur des lignes TGV à l’automne 2008, dont la pose d’un fer à béton sur des caténaires à Dhuisy, en Seine-et-Marne, dans la nuit du 7 au 8 novembre.

 

Lors d’une rencontre improvisée ce 12 novembre 2012 dans l’appartement parisien d’une amie (qui fut elle-même arrêtée), Julien Coupat et Mathieu Burnel, l’un des neuf autres mis en examen pour « association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme », ont livré leur version de l’affaire.

 

Si Julien Coupat, qui a refusé tout entretien depuis sa sortie de prison en mai 2009, rencontre aujourd’hui neuf journalistes de presse écrite et de radio, c’est pour « dissoudre le fantasme politique », « la figure de l’ombre construite par les policiers », expliquent les deux jeunes hommes. Pour faire le point aussi sur les révélations savamment distillées dans les médias ces dernières semaines.

 

Il y a d’abord eu la publication par Le Canard enchaîné le 24 octobre d’un retrait bancaire fait avec la carte bleue d’Yldune Lévy le 8 novembre 2008 à 2h44, à Pigalle, en plein Paris. Mettant ainsi en doute le procès-verbal des policiers de la sous-direction antiterroriste affirmant avoir observé cette nuit là, à 4h05 du matin, la voiture de Julien Coupat et d’Yldune Lévy, arrêtée à proximité de la ligne TGV Est (à 75 kilomètres de Paris).

 

Puis un arrêt de la cour d’appel de Versailles a ordonné le 26 octobre 2012 l’audition de l’ensemble des policiers de la Sous-direction antiterroriste (Sdat) et de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) qui ont participé à la surveillance de Julien Coupat et d’Yldune Lévy lors de cette fameuse nuit. Enfin, c’est l’origine même de l’enquête qui se trouve ébranlée par l’implication d’un policier anglais infiltré, Mark Kennedy, qui aurait rencardé la DCRI sur les activités du groupe de Tarnac.

 

Détail par détail, kilométrage par kilométrage, horaire par horaire, les deux mis en examen contestent quatre années d’instruction, menées par le juge antiterroriste Thierry Fragnoli (qui a été dessaisi, officiellement à sa demande, en avril 2012). « Nous nous sommes d’abord défendus politiquement, explique Mathieu Burnel. Ce n’est qu’après un an que nous avons commencé à nous intéresser au PV de filature. »

 

Le rôle de Mark Kennedy policier infiltré

 

« Ça commence d’emblée comme un mauvais film », prévient Julien Coupat. Pour les deux mis en examen, « le point de départ supposé de l’affaire de Tarnac, ce sont les surveillances de l’espion anglais Kennedy ». Le 6 novembre 2012, comme l’a révélé Rue89, Me William Bourdon, avocat de Yildune Lévy, a demandé à la nouvelle juge d’instruction chargée du dossier, Jeanne Duyé, la communication du dossier de renseignement de sa cliente.

 

Selon l’avocat, certaines allégations présentes dans le dossier Tarnac ne peuvent émaner que de renseignements fournis à la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) par Mark Kennedy. Ce policier, du National public order intelligence unit (NPOUI), infiltré pendant de longues années dans les mouvements alternatifs européens avant d’être démasqué en 2010, a croisé à plusieurs reprises la route du groupe de Tarnac. « La première fois que nous l’avons croisé, c’était en janvier 2007 à Varsovie lors de la préparation d’un contre-sommet du G8, explique Mathieu Burnel. La délégation anglaise comptait d’ailleurs deux infiltrés. »

 

Un an plus tard, en janvier 2008, Julien Coupat et Yldune Lévy, en vacances à New York, le rencontrent à leur tour, avec plusieurs amis étrangers, dans ce qui sera décrit comme « une réunion d’anarchistes américains » par la sous-direction antiterroriste française. C’est principalement sur la base de cette réunion, et du passage clandestin de la frontière entre les États-Unis et le Canada par Yldune Lévy et Julien Coupat, que la Sdat demandera, le 11 avril 2008, l’ouverture d’une enquête préliminaire visant la « structure clandestine anarcho-autonome » à laquelle appartiendrait le couple. « Ce n’était pas un hasard s’il (Mark Kennedy) était présent, il était averti que nous allions à New York », affirme Julien Coupat.

 

Sollicitées par les juges français, les autorités judiciaires britanniques ont confirmé être « en mesure de déclarer que Julien Coupat avait assisté à une réunion à New York, USA, les 12 et 13 janvier 2008 ». Mais le patron du National domestic extremism unit, l’unité qui a succédé à celle dont dépendait Mark Kennedy, a formellement refusé d’expliciter l’origine de ces renseignements. « La source de ces informations confidentielles ne sera jamais divulguée et aucun rapport formel ne sera communiqué, a-t-il répondu aux juges d’instruction français. C’est sur cette base que ces informations confidentielles sont fournies au ministère public français. »

 

Les mis en examen protestent contre la méthode. « Il y a un double fond DCRI dans tout le dossier, dit Mathieu Burnel. C’est une déloyauté face à la preuve, car nous ne sommes pas en mesure de contester les éléments. »

 

Les mis en examen voient également la patte de Kennedy dans une note de la DCRI de juin 2008, publiée en mars 2012 par Mediapart. Cette dernière détaille « la constitution d’un réseau transnational subversif » dont le « premier cercle » serait « constitué de Julien Coupat, Yldune Lévy, Benjamin Rosoux, Mathieu Burnel, et Gabrielle Hallez ». « Le soi-disant premier cercle du soi-disant groupe de Tarnac, en fait ce ne sont que des gens qui ont croisé Stone (le nom d’emprunt de Kennedy) », remarque Julien Coupat.

 

    Les écoutes façon barbouze de l’épicerie de Tarnac

 

En mars 2008, plus de huit mois avant les sabotages des lignes de TGV, un agent de France Télécom avait découvert et débranché un dispositif d’écoutes des lignes téléphoniques de l’épicerie de Tarnac, reprise quelques mois plus tôt par les militants. Une dizaine de jours plus tard, la sous-direction antiterroriste sollicitait, le 11 avril 2008, l’ouverture d’une enquête préliminaire visant le groupe de Tarnac.

 

Mathieu Burnel explique cette soudaine demande par « la nécessité de couvrir les écoutes (que nous avions) découvertes et de leur donner un cadre judiciaire ». Le 3 janvier 2012, à la suite d’une plainte de Benjamin Rosoux, l’épicier de Tarnac, pour « interception de correspondances » et « atteinte à l’intimité de la vie privée », une information judiciaire a été ouverte à Brive-la-Gaillarde. Il s’agit notamment de savoir si la Commission nationale du contrôle des interceptions de sécurité avait été saisie d’une demande d’autorisation pour des écoutes administratives à Tarnac. Dans le cas contraire, le « branchement » effectué à Tarnac risque fort d’avoir été illégal.

 

La filature la nuit du 7 au 8 novembre 2008

 

Les mis en examen et leurs avocats ont soulevé à de multiples reprises les incohérences du récit fait par les policiers de la sous-direction antiterroriste de la filature d’Yldune Lévy et Julien Coupat dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008. Le relevé bancaire, récemment publié par Le Canard enchaîné, montre que la carte bleue d’Yldune Lévy a été utilisée cette nuit-là à Pigalle à 2h44, au moment où les policiers affirment eux que le véhicule du couple était stationné à Trilport (Seine-et-Marne) à une soixantaine de kilomètres de Paris. Toujours selon les policiers, le couple n’aurait repris la direction de Paris qu’à 4h20, après s’être arrêté quinze minutes près du lieu de sabotage de la voie LGV, à Dhuisy.

 

Pourquoi ne pas avoir fait état de ce retrait bancaire salvateur plus tôt ? « La différence entre les gens qui vivent et les policiers, c’est que notamment après avoir dormi dans une voiture, vous ne regardez pas l’horloge, avance Julien Coupat. Ce sont eux (les policiers) qui établissent et maîtrisent la chronologie. » Le jeune homme confirme qu’Yldune Lévy a bien effectué ce retrait, mais qu’elle réserve ses déclarations à ce sujet pour la juge.

 

Questionné le 13 février 2009 par le juge d’instruction sur un arrêt dans la nuit du 7 novembre en bordure de voie ferrée près de la RD 23, Julien Coupat, alors en détention provisoire, avait finalement répondu : « Oui, ça doit être cela. » Réinterrogé par l’un des autres juges d’instruction, le jeune homme avait ensuite souligné l’ironie de sa réponse. « Comme si, une fois en détention, on connaissait le nom des départementales», s’exclame Julien Coupat face aux journalistes.

 

« Nous leur avons dit clairement que nous n’étions pas là au moment des sabotages, assure Julien Coupat. Nous sommes sous surveillance pesante à Paris, nous partons pour un week-end ensemble en amoureux. À un moment, on sait qu’on est suivis, on se casse dans les petites routes de campagne. Nous sommes face à un dispositif de surveillance assez lourd (une vingtaine de policiers de la Sdat et de la DCRI) et nous jouons au chat et à la souris pendant une ou deux heures. Nous avons faim, nous retournons à Trilport. Nous allons au resto. Nous demandons un endroit où dormir. Le routier est complet. Nous avions des duvets, nous allons dormir là, car tout ça est assez éprouvant. Nous sommes réveillés par le froid, sans savoir le temps que nous avons dormi. Nous allons dans un coin de campagne, une zone que nous ne connaissons pas, donc nous ne pouvons pas dire si c’était la RD23 ou autre, nous faisons l’amour, puis nous rentrons à Paris. »

 

Curieusement, le relevé bancaire d’Yldune n’a été versé au dossier qu’en 2012. Alors, que selon Me Jérémie Assous, l’un des avocats du groupe de Tarnac, « les policiers avaient demandé les relevés bancaires de l’ensemble des 15 personnes arrêtées dès leur garde à vue, en novembre 2008, et (qu’)ils ont tous été versés immédiatement au dossier, sauf celui d’Yldune Lévy ». Ce dernier sera redemandé à BNP Paribas en 2010, et analysé en juillet 2011 par Bruno Mancheron, l’officier de la sous-direction antiterroriste auteur du PV de filature contesté.

 

Ce dernier, ainsi que le chef de groupe de la Sdat, Arnaud Lambert, a été placé sous statut de témoin assisté (entre le témoin et le mis en examen) dans l’information judiciaire ouverte en novembre 2011 à Nanterre pour « faux et usages de faux en écritures publiques », un crime passible des assises. Les deux officiers ont reconnu que le PV de filature n’était qu’un « procès-verbal de synthèse ».

 

« Ce procès-verbal retranscrit donc pour partie des éléments dont j’ai été personnellement témoin, mais aussi des éléments d’observation dont il m’a été rendu compte par les effectifs présents sur place », a expliqué le signataire du PV, Bruno Mancheron, lors de son audition par la juge d’instruction Nathalie Turquey, le 28 février 2012. « C’est un usage de la Sdat », a confirmé son chef Arnaud Lambert, entendu le 4 avril 2012. Une différence de taille pour Me Jérémie Assous : « Un procès-verbal de synthèse n’a pas la même valeur juridique qu’un PV de constat, c’est l’équivalent d’un simple PV de renseignement. »

 

Au passage, Bruno Mancheron indique lors de son audition qu’il était « au volant du véhicule » cette nuit, ce qui expliquerait peut-être sa prise de notes hasardeuse.

 

Le 26 octobre 2012, alors que la juge d’instruction comme les policiers avaient jusqu’alors refusé l’audition des autres policiers présents, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles a ordonné que « l’ensemble des fonctionnaires de police ayant participé à la surveillance des 7/8 novembre 2008 » soient entendus. La cour d’appel de Versailles a également demandé la vérification de leur présence sur place « par l’examen du trafic téléphonique intervenu dans la zone de surveillance ».

 

Jusqu’ici les policiers de la Sdat s’étaient contentés de fournir au juge Fragnoli un petit tableau, réalisé par Bruno Mancheron à partir des réquisitions envoyées aux opérateurs téléphoniques en novembre 2008 par les gendarmes locaux. Il montre que deux appels ont été passés par « le chef de groupe opérationnel et son chef de service » aux abords de la ligne TGV Est à Dhuisy à 5h23 puis 5h25.

 

Mais ce document « maison » ne porte que sur les appels émis entre 5h10 et 6 heures passant par les bornes proches du lieu de sabotage, pas sur la période entre 4 heures 05 et 4 heures 20 où les policiers affirment avoir vu la voiture de Julien Coupat s’arrêter près des voies. Et tous les autres numéros avaient été biffés, rendant l’identification des autres appels passés par des policiers impossible.

 

La juge d’instruction avait rejeté cette demande des avocats de Julien Coupat, prétextant que les données techniques de trafic étaient obligatoirement effacées par les opérateurs téléphoniques dans un délai d’un an. Un obstacle écarté par la cour d’appel qui rappelle dans son arrêt du 26 octobre 2012 que « des réquisitions à Orange, SFR et Bouygues avaient été faites au début des investigations » et « qu’il suffisait de retrouver et d’exploiter le résultat de ces réquisitions », ce qui n’avait étrangement pas été fait jusqu’alors.

 

Selon Me Jérémie Assous, les données d’un seul opérateur (SFR) auraient été versées au dossier par les gendarmes, ensuite dessaisis. « Nous avons réussi à identifier certains numéros de policiers et aucun ne passe de coups de fil à Dhuisy entre 4 heures et 4 heures 20, affirme-t-il. Si c’est également le cas pour les deux autres opérateurs, rien ne prouve donc la présence des policiers et le fait qu’ils aient pu observer le véhicule de Coupat près des voies. »

 

Mais comme l’explique Bruno Mancheron lors de son audition de février 2012, les policiers communiquaient « très majoritairement par radio et très anecdotiquement par téléphone ». Ils ont donc pu être présents près de la voie ferrée sans passer de coups de fil. « L’exploitation ne sera vraiment pertinente qu’à partir du moment où la téléphonie des policiers sera connue », tempère Me Louis Marie de Roux, l’un des avocats du groupe de Tarnac.

 

« La Sdat nous a vus 5 heures avant l’opération à 30 kilomètres du lieu de sabotage (le PV de filature constate l’arrêt prolongé de la voiture de Coupat à Trilport à 23 heures 40, puis ne fait plus aucune mention avant 3 heures 50 où la voiture aurait redémarré en direction des voies ferrées) et ils ont fait un procès-verbal de raccord après », interprète de son côté Julien Coupat. Il souligne que « (leur) version n’a jamais changé tandis que les flics en ont changé trois fois ».

 

« Fragnoli (le précédent juge d’instruction) était clairement prêt à tout pour couvrir la Sdat », regrette Mathieu Burnel, évoquant sa « mauvaise foi » lors de la reconstitution de janvier 2011.

 

Pour un de leurs avocats, Me Jérémie Assous, ces réticences des magistrats sont logiques. « La mise hors de cause des dix de Tarnac aboutit inéluctablement à la mise en cause des policiers, voilà pourquoi tant de magistrats se sont systématiquement opposés à nos demandes d’actes », estime-t-il.

 

 

Le témoin sous X

 

Entendu sous X le 14 novembre 2008, un jeune agriculteur, Jean-Hugues Bourgeois, ensuite identifié par TF1, avait accusé le groupe de Tarnac d’avoir eu un projet de « renversement de l’État » et de faire « peu de cas de la vie humaine ». Selon lui, Julien Coupat, décrit comme un « gourou de secte », avait même envisagé « d’avoir à tuer ».

 

Mathieu Burnel souligne que ce témoignage est « le seul élément du dossier qui justifie l’inculpation de direction de malfaiteur ». « C’est la seule personne qui dit que Julien Coupat est le chef et qu’il est très méchant. »

 

Réentendu le 11 décembre 2008 par des policiers de la Sdat, sous son vrai nom, Jean-Hugues Bourgeois avait assuré n’avoir « jamais » été informé par les militants de Tarnac de « projets violents visant l’État ». Il évoquait au contraire « un idéal libertaire qui n’a rien de répréhensible ».

 

Interviewé en caméra cachée un an plus tard par un journaliste de TF1, l’agriculteur avait admis avoir fait l’objet de pressions des policiers de la Sdat lors de la première audition qui aurait duré neuf heures. Les policiers lui auraient expliqué qu’ils avaient juste « besoin d’une signature » pour pouvoir exploiter « tout un tas d’infos, d’interceptions de mails » qui n’étaient « pas exploitables dans une procédure judiciaire ».

 

Face à ces contradictions évidentes, en février 2011, les mis en examen de Tarnac avaient déposé plainte pour subornation de témoin au tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand. Selon Me Louis Marie de Roux, l’un des avocats du groupe de Tarnac, la plainte a été classée en juillet 2012 par le procureur de Clermont-Ferrand après une enquête expéditive.

 

Seul Jean-Hugues Bourgeois a été entendu, sans même que le procureur demande la communication de ses deux auditions par la Sdat. « Un même service de police qui interroge deux fois le même témoin, dont une fois sous X, et obtient des réponses opposées, c’est qu’il a soufflé les réponses au moins une fois », estime Me Louis Marie de Roux. Me Lévy et lui entendent déposer une nouvelle plainte avec constitution de partie civile dans les prochains jours.

 

    La piste oubliée du tract allemand

 

Dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008, quatre fers à béton sont posés sur les caténaires de lignes de TGV françaises (TGV-Nord, TGV-Est et TGV-Sud), causant le lendemain une grande pagaille ferroviaire. Mais, notent les deux mis en examen, les juges d’instruction « n’ont mené aucune investigation sur les autres sabotages », la preuve pour eux que « les sabotages n’étaient qu’un prétexte, leur but était de nous serrer ». La même nuit, des sabotages sont également commis sur des voies ferrées allemandes.

 

Le 10 novembre 2008, un groupe anonyme revendique neuf sabotages sur les lignes TGV et le réseau ferré allemand « en souvenir de Sebastian », un militant antinucléaire écrasé en Lorraine en novembre 2004 par un train Castor. Leur communiqué, envoyé à deux quotidiens allemands, a été versé au dossier. Puis apparemment oublié. « Depuis le 10 novembre 2008, les policiers ont une revendication allemande où les auteurs précisent le lieu et l’endroit des sabotages, qu’ils n’ont même pas été chercher au Berliner Zeitung », s’étonnent les deux mis en examen.

 

Le préterrorisme

 

Pour Julien Coupat, « l’affaire de Tarnac n’est pas une exception, c’est la norme des enquêtes antiterroristes ». « Généralement, les juges font face à des gens que personne ne soutient (…) mais là ils font face à des gens qui se sont défendus comme des chiens, qui ont la capacité d’analyser le dossier », explique l’ancien doctorant à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS).

 

« L’une des généalogies de Tarnac, c’est cette nouvelle doctrine de prévention du terrorisme impulsée par le Royaume-Uni, poursuit-il. Mark Kennedy correspond à l’idée que l’intensification du renseignement humain et technique permet d’arrêter les gens avant qu’ils ne commettent des crimes. »

 

Malgré l’arrivée au pouvoir de la gauche, Julien Coupat ne croit pas à un revirement idéologique. « Les déclarations de Manuel Valls, le 5 novembre au sommet d’Interpol, réclamant une intensification de la coopération, des échanges d’information, etc. : c’est la doctrine Bauer (ancien conseiller officieux de Nicolas Sarkozy et ami de l’actuel ministre de l’intérieur), estime-t-il. Ils n’ont pas renoncé à cette construction-là. »

 

Affirmant être toujours sous surveillance, les deux mis en examen disent leur lassitude. Ils énumèrent : « À chaque fois que vous prenez le téléphone, savoir que tout pourra être retenu contre vous, même les blagues ; être filé par la Sdat ; savoir que chaque fois que vous allez voir des amis qui font des trucs politiques, vous leur amenez la Sdat, etc. »

 

« Au niveau juridique et judiciaire, nous avons fini de jouer, déclare Mathieu Burnel. Ça nous prend un temps fou, nous avons d’autres choses à faire dans notre vie. »

 

Auteur : Louise Fessard

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