Note à fin de non lieu – B. Sur le principal « témoin à charge » sur lequel se fonde le réquisitoire

5 juin 2015
par William Bourdon et Marie Dosé avocats   

Jean-Hugues Bourgeois, anciennement témoin anonyme, est le seul et unique témoin à charge et semble, en cette qualité, parfaitement contenter l’accusation. Tout au long de l’instruction pourtant, la défense a démontré les incohérences et contradictions entre ses diverses interventions sur procès-verbal et hors procès-verbal, M. Bourgeois se laissant aller à exposer ses précieuses informations aux media.

 

Le témoignage du « témoin 42 » (D 43) est ainsi radicalement opposé à celui acté en procédure par les services de police (D 978), lorsque M. Bourgeois quitte son statut tant protecteur de témoin anonyme. Lors de sa première audition en date du 14 novembre 2008, le témoin numéro 42 se révèle un témoin idéal pour l’accusation, pour finalement assurer un mois et demi plus tard sous sa véritable identité, ne pas connaître les projets idéologiques des mis en examen.

 

Le 11 novembre 2009, M. Bourgeois expliquait à un journaliste de TF1 que sa déposition sous X lui avait été expressément demandée par les policiers de la SDAT, alors qu’il n’avait, en réalité, aucune déclaration à faire. M. Bourgeois confirmait enfin aux journalistes avoir reçu des pressions lors de ce témoignage et être resté « 9 heures » avec les policiers.

 

Le 26 novembre 2009, devant un juge d’instruction pressé de mettre un terme à ce cafouillage inquiétant pour la crédibilité de son information, M. Bourgeois refusait de s’exprimer sur les conditions dans lesquelles son témoignage anonyme avait été recueilli, et confirmait les pressions exercées à son encontre sans toutefois que le magistrat ne parvienne à en élucider l’origine (D 1431).

 

Interrogé une seconde fois par TF1 suite à son audition devant le juge d’instruction, Mr Bourgeois, en présence de son conseil, s’est contenté d’assurer qu’il avait confirmé au juge sa qualité de témoin anonyme tout en dénonçant l’inauthenticité des propos qu’il aurait tenus à l’encontre de nos clients.

 

Pour parfaire l’absence totale de crédit pouvant être apporté à ce témoignage prétendument à charge, il conviendra de se référer au témoignage de l’adjudant Droulle devant le magistrat instructeur, et de prendre connaissance de la cinquième et dernière version des faits relatée par M. Bourgeois à l’occasion d’une pseudo-enquête préliminaire diligentée pour subornation de témoins.

 

La défense a informé les différents magistrats instructeurs en charge de cette instruction des péripéties judiciaires rencontrés par M. Bourgeois, péripéties relatés dans de nombreux articles de presse. Que le parquet choisisse ainsi de passer sous silence dans son réquisitoire la mise en examen de son principal témoin à charge pour dénonciation de délits imaginaires prête franchement à sourire. Et que dire des pièces versées en procédure, confirmées par le témoignage de l’adjudant Droulle, venant étayer les soupçons pesant sur M. Bourgeois selon lesquels celui-ci aurait incendié sa propre grande, abattu son propre troupeau, avant de rédiger et de s’adresser une lettre de menaces de mort qu’il n’a pas manqué de brandir aux journalistes venus s’enquérir du drame qui le frappait…

 

Dans son réquisitoire Madame le Procureur de la République ose pourtant dénoncer les tentatives de la défense de « décrédibiliser » ce malheureux témoin. Mais comment peut-on sérieusement nous reprocher de faire état d’éléments établissant sans conteste l’instrumentalisation de l’évidente fragilité psychologique du seul témoin à charge de l’accusation ? N’était-il pas plus digne, pour la sérénité des débats, d’admettre que les déclarations de M. Bourgeois ne pouvait décemment pas être prises en considération, qu’elles soient à charge ou à décharge ?

 

La défense s’est une nouvelle fois heurtée, malgré l’évidence du bien-fondé de ses demandes, aux refus des magistrats instructeurs successifs d’investiguer plus avant sur ledit témoin et les conditions dans lesquelles ses témoignages ont été recueillis :

 

       trois confrontations et deux auditions en présence des conseils des mis en examen ont été sollicités en vain au cours de l’instruction ;

       à deux reprises, une confrontation entre l’adjudant Droulle et M. Bourgeois a été sollicitée ;

       a été également sollicitée et refusée l’audition de M. Fragnoli sur les conditions insolites dans lesquelles l’audition de M. Bourgeois a été décidée par ses soins, aux seules fins de contrecarrer ses déclarations sur la chaîne de télévision TF1 ;

       le versement pour information de la procédure judiciaire visant M. Bourgeois des chefs de destruction par incendie volontaire, menaces de mort, du délit prévu à l’article R 655-1 du code pénal etc… a également été refusée au cours de l’instruction, tout comme la demande de nos clients tendant à être informés de l’état d’avancement de ladite procédure (D 2363).

 

C’est ainsi qu’à l’exception de la jonction d’une expertise psychologique de M. Bourgeois, toutes les demandes d’actes sollicitées par la défense ont sur ce point été refusées. La définition minimaliste du débat contradictoire s’illustre parfaitement, à titre de simple exemple, dans le fait de de reprocher à la défense de tenter de « décrédibiliser » un témoin sur la foi d’articles de presse tout en lui refusant le versement au dossier des pièces judiciaires auxquels lesdits articles font référence…

 

Tout ceci révèle surtout la crainte ô combien légitime du parquet de devoir assumer jusqu’au bout l’inquiétante légèreté de son unique témoin à charge. Mais nous avons parfaitement conscience que l’accusation ne peut, finalement, se payer le luxe d’évincer M. Bourgeois et ses failles de sa démonstration puisque, quelle que soit la fragilité de ce témoin, il demeure malgré tout le pivot de ce réquisitoire aussi laborieux que les éléments à charge qu’il est censé porter.

 

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