Tarnac : le parquet fait appel après l’abandon de la qualification « terroriste »

La juge d’instruction chargée de l’enquête sur le sabotage de plusieurs lignes de TGV en 2008 par un petit groupe issu de la mouvance anarcho-autonome avait infligé un désaveu cinglant au ministère public.
18 août 2015
Le Monde.fr avec AFP | 10.08.2015 à 17h13 • Mis à jour le 10.08.2015 à 19h21

L’affaire de Tarnac est-elle un dossier terroriste ? Vendredi 7 août, la juge d’instruction chargée de l’enquête sur le sabotage de plusieurs lignes de TGV en 2008 par un petit groupe issu de la mouvance anarcho-autonome a répondu par la négative à cette question. Dans son ordonnance, la magistrate a décidé de renvoyer en correctionnelle huit membres du groupe, dont le principal accusé, Julien Coupat, mais a abandonné la qualification de « terroriste ». Une décision dont a fait appel le parquet lundi 10 août.

Pour le ministère public, l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction constitue un désaveu cinglant. Dans son réquisitoire du 6 mai, le parquet avait demandé que la circonstance aggravante d’« entreprise terroriste » soit retenue à l’encontre des trois principaux mis en examen : Julien Coupat ; sa compagne, Yildune Lévy ; et son ex-petite amie Gabrielle Hallez. Le ministère public estimait notamment, se fondant sur l’article 421-1 du code pénal, que « les atteintes aux biens » peuvent constituer des actes de terrorisme pour peu qu’elles aient « pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ».

Cette volonté de « troubler gravement l’ordre public », le ministère public la motivait par l’idéologie et les relations des membres du groupe de Tarnac avec la « mouvance anarchiste internationale ». Le pivot de l’accusation reposait sur les écrits de Julien Coupat, considéré comme la « plume principale » ce qu’il a toujours démenti — d’un « pamphlet » intitulé L’Insurrection qui vient, publié en 2007 par le Comité invisible.

« Une logique d’ entêtement idéologique »

Mais la juge d’instruction, Jeanne Duyé, n’a pas suivi cette réquisition, renvoyant quatre membres du groupe, dont Julien Coupat, en correctionnelle pour « association de malfaiteurs » seulement, et quatre autres personnes pour avoir refusé de se soumettre à un test de leur ADN et, pour deux d’entre elles, pour « falsification de documents administratifs ».

« Cette ordonnance était un camouflet difficilement supportable pour le parquet, qui reste dans une logique qui n’a rien de juridique, mais qui est une logique d’ entêtement idéologique », ont réagi Marie Dosé et William Bourdon, avocats des prévenus. Le dossier des huit membres du groupe de Tarnac – du nom du village corrézien où gravitait la petite communauté libertaire – devra désormais être examiné par la chambre de l’instruction.

« Ça risque d’aller en Cour de cassation, d’un côté comme de l’autre, pronostique Marie Dosé, interrogée par Le Monde. Le parquet semble s’enferrer dans une logique jusqu’au-boutiste, et nous irons aussi en cassation si la chambre de l’instruction infirme l’ordonnance. Peut-être qu’enfin découlera de tout ça une définition claire et précise du terrorisme ».

Instumentalisation politique

L’affaire de Tarnac avait suscité en 2008 une vive polémique, le gouvernement et la ministre de l’intérieur de l’époque, Michèle Alliot-Marie, ayant été accusés de l’instrumentaliser en insistant sur son caractère terroriste.

Julien Coupat, 41 ans, et Yildune Lévy, 31 ans, ont reconnu leur présence dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008 à Dhuisy (Seine-et-Marne) aux abords de la voie ferrée où passe le TGV Est, mais ont toujours nié avoir participé à la pose d’un fer à béton, retrouvé plus tard sur la caténaire. Tordu en forme de crochet, il avait causé d’importants dégâts matériels au premier TGV du matin, et fortement perturbé le trafic.

Outre les faits de Dhuisy, le parquet imputait à Julien Coupat, qui a effectué un peu plus de six mois de détention provisoire jusqu’en mai 2009, une participation à un autre sabotage du TGV Est, dans la nuit du 25 au 26 octobre 2008 à Vigny (Moselle). La juge d’instruction a rendu un non-lieu dans ce volet de l’affaire, mais le parquet a fait appel.

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