Note de positionnement du Colloque Lois antiterroriste 25 ans d’exception

18 octobre 2010
Fragments Du Visible

L’affaire dite de Tarnac a fonctionné comme un révélateur du nouvel ordre sécuritaire : au nom de la lutte antiterroriste, l’Etat s’affranchit de principes élémentaires du droit et des zones grises apparaissent au cœur même des institutions régaliennes, dans la justice, dans la police. Des « affaires » sont instrumentalisées comme faire-valoir d’une politique aux objectifs inavoués. Cette construction d’une « terrorisation démocratique » , pour reprendre l’expression d’un essayiste, s’appuie sur un arsenal législatif mis en place progressivement depuis 25 ans. Les attentats du 11 septembre lui ont donné une nouvelle légitimité avec comme matrice le « Patriot Act » qui autorisait les autorités américaines à appliquer sur leur territoire la notion de guerre préventive contre le terrorisme. Les Etats européens ont suivi peu ou prou ce modèle adoptant des lois successives en se libérant des contraintes de leur propre ordre juridique traditionnel et démocratique. 

Le cas de Tarnac a montré comment en utilisant la dramatisation de situations n’ayant pas de liens évidents, la stigmatisation d’une mouvance créée de toute pièce pour l’occasion « la mouvance anarcho-autonome » en disqualifiant les acteurs de cette prétendue mouvance, en multipliant les intimidations, en exigeant des autorités policières et judiciaires une culture du résultat , on pouvait criminaliser durablement non seulement des hommes et des femmes engagés mais qui plus est leur pensée même. Nous sommes tous concernés par ce glissement progressif, sémantique, législatif, policier qui est en train de mettre en place une société de surveillance généralisée. Si la société doit évidemment répondre à la question terroriste, elle ne doit en aucun cas permettre que les outils dont elle se dote ne s’affranchissent des valeurs qui constituent les fondements de la démocratie. Lorsque l’exception devient la règle, la frontière devient ténue entre un régime démocratique et un régime autoritaire. Lorsque l’on vit dans une période de crise globale, le pouvoir, à la recherche de boucs – émissaires, a tendance à utiliser les procédures d’exception pour stigmatiser et condamner médiatiquement et socialement des groupes d’individus. 

À la lumière de ce qui s’est passé dans l’affaire de Tarnac, le colloque à l’Assemblée nationale co-organisé deux ans après les faits, par des parlementaires de plusieurs sensibilités, permettra avec des intellectuels, des juristes, des grands témoins, des élus, des avocats, de faire un état des lieux, de recontextualiser l’ « affaire »en la replaçant dans l’histoire des lois d’exception, et enfin d’éclairer des pistes pour que nous ne connaissions plus de telles dérives.

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